Artemisia Gentileschi : quel chagrin se cache derrière son œuvre ?

Artemisia Gentileschi : quel chagrin se cache derrière son œuvre ?

Artemisia Gentileschi
Artemisia Gentileschi, Autoportrait en sainte Catherine d’Alexandie, 1615-1617, National Gallery de Londres. Wikimedia Commons
Artemisia Gentileschi
Artemisia Gentileschi

Figure lumineuse du Baroque, Artemisia Gentileschi (1593 – v.1656) s’est taillé une place singulière dans le grand récit de l’art, traçant son chemin de pinceau avec audace à une époque où la toile appartenait presque uniquement aux mains des hommes.

Il y a, dans certaines toiles, des éclats de nuit plus lumineux que le jour. On les reconnaît au silence qu’ils font monter en nous, ce silence qui suit les cris qu’on n’a pas entendus.

Artemisia a peint ainsi.

Elle a peint comme on saigne, sans bruit, mais sans mensonge. Elle a peint des femmes, mais pas celles qu’on enferme dans des poses. Des femmes qui luttent, qui saignent, qui hurlent en dedans. Des femmes qui se relèvent.

Un jour, elle avait dix-sept ans. Il y eut un homme. Il y eut la violence, le vol du corps, et puis l’autre violence, celle qui suit : les regards, le doute, les juges, les cordes serrées autour des doigts pour « dire la vérité ». Elle l’a dite. Elle l’a criée sans cri, dans la toile.

Judith entre dans la chambre d’Holopherne avec la même intensité qu’une douleur trop longtemps contenue. Elle le tue comme on déchire un cauchemar. Il y a du sang, oui, mais il n’est pas là pour choquer. Il est là parce que le monde est tel qu’il est, parce que certaines choses ne s’expriment qu’ainsi.

Dans les regards de ses héroïnes, ce n’est pas la vengeance qu’on lit, c’est plus difficile : c’est la dignité retrouvée. C’est la lumière qui se fraie un chemin dans une pièce fermée depuis trop longtemps.

Artemisia, c’est une main de femme peignant l’indicible. Elle ne se venge pas : elle crée. Elle ne pleure pas : elle donne forme au chagrin, elle le tend à ceux qui regardent, comme un tissu imbibé de ciel et de nuit.

Elle aurait pu se taire. Beaucoup se sont tus. Mais elle a choisi la couleur. Elle a choisi la peau tendue, les mains serrées, le clair-obscur comme une façon de dire : je suis là. J’ai eu mal. Je suis encore là.

Et ses tableaux demeurent, comme des lampes posées dans des chambres sombres. Ils ne guérissent rien. Ils parlent avec nous, doucement, du fond des siècles, de ce que c’est que vivre après la blessure, et peindre pour ne pas mourir.

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